Critique :
Quais du polar, c’est le festival international du polar incontournable pour les amateurs et les professionnels du genre. Il a lieu chaque printemps à Lyon et voit être décerné depuis sa première édition en 2005 un prix des lecteurs « Quais du polar ». Pour les dix ans du festival, les neuf lauréats des éditions précédentes du prix Quais du polar se rassemblèrent pour publier, chez Points, un recueil de nouvelles inédites, déclinant le polar sous toutes ses nuances du noir. Brèves de noir, c’est son nom, réunit des nouvelles aux antipodes les unes des autres, sautant d’un récit autobiographique de vacances aux Antilles à une chasse à l’homme en Irak en passant par des histoires dérangeantes inspirées de faits divers plus ou moins récents ayant défrayé la chronique. Plusieurs de ces nouvelles se sont en effet emparées de l’actualité pour nous en donner une nouvelle vision, un autre point de vue que celui que nous poussent à nous forger les médias traditionnels. Une figure du printemps arabe se transforme alors en gazelle dans un récit de Serge Quadruppani qui relève plus du conte philosophique que de la nouvelle noire, tandis qu’Edward Snowden se retrouve dans un train au cœur de la Russie à marchander son exil vers l’Islande avec un agent du FSB imbibé d’alcool. D’autres usent d’un humour débridé ou d’un langage sans filtre pour évoquer le meurtre, la folie, l’exil, l’ennui de vivre dans des nouvelles plus ou moins marquantes. Ce sont sans doute ces thèmes aussi variés, traités par des auteurs de renoms — on retrouve notamment dans le collectif les auteurs Franck Thilliez et Caryl Ferey — qui font toute la richesse de ce recueil. Il dispose certes de faiblesses : on ne trouve aucun fil conducteur dans ce recueil où les nouvelles s’enchaînent sans être liées d’une quelconque façon et leur diversité multiplie le risque de déplaire au lecteur. C’est déroutant pour qui s’attend à trouver une même ambiance particulière, originale, tout au long de ce livre. Cependant, cet éclectisme disparate est aussi une force. Chaque nouvelle se positionne à l’opposé de la précédente, renforçant les émotions ressenties à chaque lecture. Le changement de ton, de voix, de sujet ou encore de narration exacerbe tour à tour nos interrogations, notre malaise, le choc de la chute ou le sourire qui s’étire nos lèvres. J’ai personnellement eu du mal avec certaines nouvelles qui m’ont laissée quelque peu indifférente. Ce n’était tout simplement pas mon genre de lecture et on sent que certains auteurs ne sont pas à l’aise avec le format court et qu'ils n'arrivent pas à atteindre l’intensité du récit qu’imposent l’écriture et la construction d’une nouvelle. Si la lecture de Brèves de noir s’est révélée pour moi sympathique, mais sans me laisser un souvenir impérissable dans l’ensemble, elle reste sans aucun doute un bon moyen de découvrir des auteurs reconnus dans le genre du polar tout y en retrouvant le style d’auteurs potentiellement déjà lus. C’est aussi une façon de nouer ou de renouer avec le polar et même avec la lecture. De par leur simplicité et leur profondeur, certaines de ces nouvelles écrites par des plumes sûres et maîtrisées ne laissent pas indifférent. D’autres peuvent sembler plus banales, en fonction des goûts de chacun. Au-delà du collectif d’auteurs montrant la richesse du genre polar, ce recueil est aussi un moyen pertinent pour élargir la renommée du festival Quais du polar au lectorat francophone adepte du noir et de ses auteurs phares. Mieux vaut ne pas avoir peur du noir pour se lancer à la découverte de ces nouvelles parfois bien dérangeantes… Infos pratiques :
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